Vendée Globe : le Pot-au-Noir, une étape périlleuse et obligatoire
Au soir du 20 novembre 2024, les skippers en tête de la flotte du Vendée Globe s'apprêtent à traverser le Pot-au-Noir.
Cette région cruciale doit être affrontée deux fois (aller puis retour aux Sables-d'Olonne) et est la première zone clé de ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance.
Le Pot-au-Noir, une zone redoutée de tous
Le Pot-au-Noir est l’une des zones les plus redoutées par les skippers du Vendée Globe.
Située autour de l’équateur, entre les côtes brésiliennes et africaines, cette région est célèbre pour ses conditions météorologiques chaotiques et ses phénomènes atmosphériques complexes qui peuvent mettre à l’épreuve la patience et la stratégie des marins.
Les conditions météorologiques du Pot-au-Noir
La Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT), plus communément appelée Pot-au-Noir dans le monde de la navigation, est un espace où les alizés de l'hémisphère Nord, qui soufflent du Nord-Est, et les alizés de l'hémisphère Sud, soufflant du Sud-Est, se rencontrent. À cet endroit, l’air chaud et humide des tropiques se heurte à des masses d’air opposées, créant une zone de calme relatif, ou de vent très faible. Cette absence de vent, souvent appelée “les calmes équatoriaux”, est l’une des particularités les plus frustrantes pour les skippers en course.
En plus des périodes de calme plat, cette zone est aussi marquée par une forte instabilité atmosphérique, générant souvent des orages violents, des pluies torrentielles et des régimes de vent erratiques. Ces phénomènes rendent la navigation particulièrement difficile, car les skippers peuvent se retrouver soudainement pris dans des rafales de vent puissantes, suivies par des zones de calme plat. Cela rend la gestion de la trajectoire et la prise de décision cruciales, car une mauvaise position dans le Pot-au-Noir peut entraîner des retards importants.
Une chaleur étouffante et des nuages impressionnants
Le Pot-au-Noir est donc une zone météorologique particulièrement imprévisible, qui change de forme régulièrement et peut durer de quelques heures à plusieurs jours. Bien que les marins puissent repérer des signes de son approche à environ 100 milles (180 km) de distance, avec notamment de gros nuages visibles à l’horizon, il reste très difficile à appréhender.
Cette région est également marquée par une forte humidité avec des températures élevées (entre 35 et 40°C) qui peuvent mettre les nerfs des skippers à rude épreuve. Sans oublier la température de l'eau, comprise entre 27 et 29°C, favorisant ainsi une évaporation intense. Ce phénomène génère alors une couverture nuageuse impressionnante et très dense, avec de nombreux cumulonimbus qui peuvent atteindre plus de 12 000 mètres d’altitude.
L'impact sur les skippers
Pour les marins du Vendée Globe, le passage du Pot-au-Noir est donc l’un des moments les plus importants de la course. Ils doivent notamment jongler entre leur stratégie initiale et la gestion des vents qu'ils rencontreront lors de cette traversée, ce qui peut entrainer de nombreuses manœuvres. En effet, les skippers doivent éviter de rester coincés dans les zones de calme, tout en profitant des zones où des vents plus soutenus soufflent. Cela nécessite une attention constante aux fluctuations météorologiques, et une capacité à manœuvrer dans des conditions instables, le tout sans avoir beaucoup dormi.
Une question de chance ?
Un autre défi majeur du Pot-au-Noir réside dans la durée de son passage. Si les skippers sont chanceux, ils peuvent traverser cette zone en quelques heures. Mais pour ceux qui se retrouvent coincés, les longues périodes d’attente sans vent peuvent être un véritable calvaire. L’incertitude et l’imprévisibilité du Pot-au-Noir peuvent ainsi faire pencher la balance en faveur de certains marins, au détriment des autres.
L’origine de son nom
L’origine du nom Pot-au-Noir est entourée d'un voile mystérieux. Si les nuages peuvent former de véritables poteaux de couleur sombre allant presque jusqu'au noir, plusieurs autres hypothèses, certaines directement liées à la mer, ont alors émergé.
Au XVIIe siècle, le terme était déjà utilisé dans un contexte bien éloigné du monde marin : dans le jeu de colin-maillard, il désignait une zone à éviter, où celui qui avait les yeux bandés risquait de se blesser. Une autre explication vient du Cap-Vert, situé non loin de cette zone instable : le « pot au noir » y désignait un récipient utilisé pour collecter les déchets dans les foyers capverdiens.
Une théorie plus sombre, liée à l’époque de l’esclavage, suggère que les négriers, coincés dans les calmes du Pot-au-Noir, jetaient par-dessus bord les esclaves malades pour éviter la propagation des maladies à bord. Bien que cette hypothèse soit débattue par les historiens, elle est appuyée par des témoignages anglais. En effet, les Britanniques qualifiaient cette zone de « Horse Latitude », car, sous un soleil de plomb et coincés plusieurs jours sans vent, ils étaient contraints de jeter leurs chevaux par-dessus bord, épuisés par la soif.