L'incroyable histoire du marin vendéen Narcisse Pelletier
Surnommé « Le sauvage blanc », ce jeune mousse vendéen a vécu 17 ans parmi une tribu d’aborigènes en Australie suite à l’échouage de son navire, oubliant jusqu’à sa langue natale. Récit d'une vie phénoménale !
Un naufragé laissé pour mort
Nous sommes le 11 septembre 1858 lorsque le navire marchand Saint-Paul heurte un récif et fait naufrage près de l’île Rossel, en Nouvelle-Guinée.
L'un de ses membres d'équipage : Narcisse Pelletier, 14 ans, passionné de la mer et jeune mousse prometteur. Réfugié sur un îlot avec ses compagnons, il est régulièrement attaqué par les autochtones et n'a d'autres choix que de fuir à bord d’une chaloupe. Il leur faudra 12 jours pour traverser la mer de corail, 12 jours d'efforts et de terreur, pour rejoindre la péninsule du Cap York en Australie.
C’est sur cette terre sauvage et inconnue que Narcisse Pelletier est abandonné, lors d’une expédition pour trouver des vivres. Les raisons de cet abandon restent floues, mais sa condition de mousse et ses blessures à la tête et aux jambes y auraient contribué. Nous sommes alors en octobre 1858 et le jeune vendéen se retrouve seul, à l’autre bout du monde.
Sa carrière commençait pourtant sous les meilleurs auspices pour le jeune vendéen. Né à Saint-Gilles-sur-Vie (Aujourd’hui Saint-Gilles-Croix-de-Vie) en 1844, Narcisse Pelletier est l’aîné d’une fratrie de 4 garçons, dont un qu’il ne rencontrera qu’à son retour en France à l’âge adulte.
Issu d’une famille d'amoureux de la mer, c'est dès ses 8 ans qu'il prend la mer : dans un premier temps pour accompagner son grand-père, puis comme mousse à l’âge de 12 ans, en 1856. Il embarque officiellement sur le bâtiment l’Eugénie, puis sur La Reine des mers pour des voyages au long cours.
L’année suivante, il embarque à Marseille pour ce qui sera son "dernier" voyage : un trois-mâts, le Saint-Paul, en direction de l’Inde et de l’Australie.
« Le sauvage blanc »
Laissé seul, blessé et sans ressources sur une terre inconnue et perdue, le Vendéen n'attendait plus que la mort, affamé et assoifé.
Mais, après quelques jours, sa rencontre avec des femmes aborigènes change son destin : alors qu'elles prennent peur, le jeune garçon décide de les suivre et se retrouve au cœur de la tribu des Wanthaala. Les membres de cette tribu vont rapidement se rendre compte qu’il s’agit d’un enfant, ce qui lui vaudra d’être bien traité... au point d’être adopté par un des aborigènes !
Rebaptisé Amglo, il vivra avec cette tribu pendant près de 20 ans. Véritable membre à part entière de cette communauté aborigène, lui qui n'avait que 14 ans à l'époque du naufrage, oubliera jusqu'à sa langue maternelle et sa vie en France.
Scarifications ornementales sur le corps, percings au nez et à l’oreille… le Vendéen s’intègre parfaitement au sein de la tribu et s’adapte, au fil des années, à la langue, aux croyances et aux pratiques sociales des Wanthaala.
Retour en France
Le 11 avril 1875, Narcisse Pelletier a 31 ans lorsqu’il est découvert, par hasard, par un navire anglais, le John Bell. Présent sur la zone pour du commerce, l'équipage de ce navire repère un homme caucasien au milieu d'un groupe aborigène. Pensant qu'il était retenu prisonnier, les membres de cet équipage décident de kidnapper Narcisse Pelletier.
Ce moment, le Vendéen le vivra comme une seconde rupture importante, lui qui n’a pas eu le temps de dire adieu à la tribu dans laquelle il a vécu plus de la moitié de sa vie.
S’en suit un long voyage de plusieurs mois, entre Brisbane, Sydney et Nouméa, avant de rejoindre Toulon puis Paris. C’est seulement au début de l’année 1876 qu’il rejoint Saint-Gilles-Croix-de-Vie, où il retrouve ses parents et sa famille après une vingtaine d'années où tous le pensaient mort.
L’histoire de Narcisse Pelletier fera le tour du monde. Mais lui aura des difficultés à se réintégrer en France. Il devient gardien de phare en août 1876, puis gardien des signaux au port de Saint-Nazaire, chef des haleurs, et enfin employé aux bureaux du port. En 1880, il épouse Louise Mabileau.
Narcisse Pelletier meurt, sans enfants, à l'âge de 50 ans, le 28 septembre 1894.
Pour aller plus loin :
Livres à découvrir :
- Constant Merland : Dix-sept ans chez les sauvages. Aventures de Narcisse Pelletier (E. Dentu, 1876)
- Stéphanie Anderson : Narcisse Pelletier : Naufragé Aborigène (Au vent des Iles, 2021)
- Thomas Duranteau et Xavier Porteau : Narcisse Pelletier, la vraie histoire du sauvage blanc (Elytis, 2016)
Podcast :
- Narcisse Pelletier, l’aborigène vendéen , France Culture, août 2022
Exposition :
- Narcisse Pelletier, Jeune mousse perdu en Australie, Expo du 5 juillet 2024 au 05 juin 2025 au musée d'Art et Histoire Hèbre de Rochefort. Cette exposition s'organise en trois temps qui suivent la chronologie de la vie de Narcisse Pelletier. Visites guidées, objets d'époque et documents historiques : l'exposition est riche et retrace, comme jamais auparavant, le parcours extraordinaire du marin vendéen.